Succulent se révèle
le terroir
où fleurit l'asphodèle
au coeur noir




Asphodelus albus : Asphodèle blanc ( "bâton blanc", "poireau de chien" )
    Cette plante est de la même famille que les lis.
    Originaire du sud, sud-ouest et ouest de l'Europe jusqu'à 2000 m, d'Afrique du Nord. Elle mesure 60 cm de haut et fleurit au printemps de mai à juillet. Ses fleurs sont blanches, striées. Le centre est brun rosâtre, parfois rosé.
    Elle est utilisée en homéopathie.
    Sa racine tubéreuse contient de l'amidon, elle était utilisée autrefois dans la panification, dans les périodes de disette. Les tiges séchées servent de fourrage et s'utilisent pour la confection d'objets. Les feuilles fraîches étaient utilisées pour soigner les plaies, ainsi que pour éloigner les moustiques.
    Autrefois c’était un aliment recherché qu’on mélangeait à des figues. Les grappes de fleurs se consommaient comme les asperges.
    Elle fut aussi récoltée pour nourir les porc.
    On la nomme, d'ailleurs, "porrada sauvatja".
    Ou en core, à La Chapelle, "nunou".
    Les Grecs et les Romains la considéraient comme une plante magique : ils croyaient qu’elle guérissait les morsures de serpent et les maladies de la femme.
    L’asphodèle était la plante des enfers. Encore maintenant, dans les pays méditerranéens, on fleurit les tombes avec les asphodèles.
    Elle a la particularité de résister au feu...




Ayant, pour plus proche voisin, un paysan de vieille souche,
je guette les mots savoureux qui, souvent, fusent de sa bouche,
auxquels Montaigne, "son pays", n'eût guère apporté de retouches.
    - "Finissez d'arriver", me dit-il, sans façon,
    quand nous nous rencontrons, non loin de sa maison.
Sans me faire autrement prier, j'arrive en sa cuisine immense
fleurant le feu de bois, où l'âtre est resté, reste en permanence
le lieu d'incidence ancestral de toute l'exploitation.
Dans un chaudron à trois hauts pieds, aux énormes dimensions,
cuit la "baquade" des cochons dont, chaque soir, on les régale.
Contre le flanc intérieur, au coin de la monumentale
cheminée, une chaise en bois trône où sommeille un vieux chat gris,
toléré parce qu'il détruit nombre de mulots, de souris :
    - C'est là que s'asseyait au chaud "notre-pauvre-défunte-mère",
    soupire mon voisin, avec une intonation amère,
    car il la vit s'échiner à tenir en échec la misère.

    - Elle avait, me dit-il non sans émotion,
    reçu "de l'éducation",
    même en sabots, à l'écurie,
    on lui reconnaissait "de l'éléganterie".
( ................ )

Il voudrait que son fils "sorte de la commune",
"fasse les Écoles" ( toutes, c'est bien mieux qu'une ),
( avec bourse, s'entend ), et "qu'il ait de la plume".

Il vente ses travaux, son bétail, ses produits,
ses biens en général, jusqu'à l'eau de son puits.
          C'est vrai que rien ne traîne,
          il exagère à peine.
Ses agneaux sont tous "fiers", tous ses veaux "carcassus",
          de tous les maquignons, connus,
ses champs sont "plainiers", donc aisément labourables ;
ses chemins "fossédés", donc toujours praticables,
          son travail est si bien mené
que son foin n'est, au grand jamais, moisi, ni son blé "lisonné".

          Il n'a besoin que de paraître
sur le marché, les bras chargés de canards frais tués, troussés
de papillottes vermillon, pour que des clients empressés
s'en déclarent preneurs et qu'en un clin d'œil "il n'en soit point maître".

          Les prés se sont soudain couverts
          de blancs parasols grands-ouverts :
- "La lune est aux filleuls", m'apprend mon voisin, expert en la matière
d'aliments dons du ciel ; - ma femme en a rempli une panière ;
émaillés d'ail, grillés, ils sont une "gourmandise princière".
Je devais les vendre un bon prix, pour lui choisir des bottillons,
mais j'ai rapporté des sabots, cela lui convient mieux, voyons,
          elle ne sort jamais et doit soigner les bêtes
          les pieds dans le fumier, semaine et jours de fêtes.
          - Vous avez dû la décevoir,
          comme elle doit vous en vouloir !
- C'est vrai qu'elle "me fait la boude", il faudra bien que ça lui passe,
          ce n'est point ce qui me tracasse...

Voici qu'il fabrique une échelle, émergeant de copeaux crépus :
- "Je me croyais" la vieille encore "usable", eh bien non, c'est "rien plus"
Voyez, l'art de faire une échelle en bois, il faut, pour qu'elle dure,
que les montants soient secs, mais que l'échelon "meu-eu-eure en sa verdure".

          Il se sent son propre seigneur :
- C'est pour "ma servitude", ainsi s'exprime-t-il, non sans hauteur,
car son huile de noix, sa gnole et son vin ne sont point à vendre,
nul ne saurait ( malgré son goût du gain ), là-dessus l'entreprendre.

          Les gens le trouvent toujours prêt
à donner son avis, souvent plein d'intérêt :
          - Il ne faut pas laisser sortir
          une génisse "à son espèce"
          car elle se fait chevaucher sans cesse
par ses congénères qui viennent la sentir,
          d'où le risque d'une blessure,
d'un vilain coup de corne en plein "dans sa nature".
    - Quand on n'est pas "dans son normal",
    la fleur de lys, c'est "jouvent pour le mal".
Même sans jalons, il connaît les "divises" de son terrain,
estime aisément "la haussure". Il tient les engrais pour malsains ;
comme "fortification" pour le sol, sont seuls admissibles
purin et fumier, répandus "à la lune jeune invisible",
cela ne vous coûte rien et vous débarrasse du tas puant
          qui fait de votre cour, un cloaque gluant.
- En plus, tout ce que vous semez, ça pousse ensuite "à z'yeux-voyants".

Hormis quelques produits de la grande industrie,
café, sucre, textile, ou de la pharmacie,
sans parler du journal qu'il parcourt avec soin,
autonome est son fief, rien ne lui "fait besoin".

          Si l'hiver, il craint les "serrés"
de l'aurore, il ne s'agit point, disons, de serrements d'amour,
          mais des brusques gelées
          à l'approche du jour.

          Pour lui, l'ivrogne qui vacille
          - "ne sent pas bon la jeune fille".

Il redoute les étés secs, car alors sa mare "territ",
          montre la terre de son lit.

          Voyant qu'à sa canne, il s'agrippe :
- Vous n'allez pas bien, Monsieur R...(1) - Non, je suis "tenté par la grippe"
peut-être même intestinale... Excusez, il faut que je rentre,
          "ça me court dans le ventre".

          Je l'entends pester à grand bruit
contre des "gouyassous" ayant osé"lui gourmander son fruit".

Aux charmes féminins, il n'est rien moins qu'étanche :
          - Ah ! "j'en ferai bien mes dimanches",
dit-il, voyant passer Margot qui "pavoine" en roulant ses hanches.

D'un verbe transitif, il fait vite un verbe pronominal :
- "Je m'étais ambitionné de telle chose, tel animal" ;
et d'un simple adjectif, un verbe actif, quelquefois redoutable :
- "Madame N... a veuvé du temps qu'elle employait à son étable
le Fernand, qu'elle a convolé par la suite"
. Est-ce un fait banal
ou, pour vite "veuver", a-t-elle eu recours au bouillon fatal ?

Que pense-t-il du Maire ? - Il n'est pas "voyant de nature",
          ne saura pas faire "le va , le vient" avec la Préfecture.

Aux dernières élections, lors du premier dépouillement :
- B... se penche sur C...". Ainsi voyait-il les désistements.

Qui fait d'une pierre, deux coups, saisit d'un seul geste deux chances
passe, à son regard, pour nanti de "toutes les intelligences".

Très adroit de ses mains, avec l'oreille fine, il fit longtemps,
aux sons de son accordéon, moyennant gros sous trébuchants,
danser les noces d'alentour. Il rasait, coiffait à la ronde,
car la ville est loin, coûteuse, et rares sont les loisirs du monde
paysan dont le dur labeur ne prend fin que le soir, la nuit.
Il "toilettait" aussi les morts : - "Je n'ai plus le temps aujourd'hui".
Mon dernier client fut Paupaul, qui m'a vendu ma Fauvette,
jeune velle de son troupeau ; vous voyez, là-bas, sa fermette
qui fait, entre votre maison et la mienne "le pied-de-pot".
Paupaul agonisait encore, on m'a appelé trop tôt.
Or, ma Fauvette allait vêler à son tour ; ne pouvant attendre
j'entamai ma besogne, hélas sans trop savoir comment m'y prendre...
- "Il avait le râle", étouffait, "s'ébrassaillait", c'était à fuir.
Raser "un mort fini", d'accord, mais "non point en train de mourir" !
          Quand on put "l'encaisser", l'exposer sur la table,
                    je l'avais rendu présentable.

Son juron favori paraît dater d'un lointain autrefois :
- "Fille-de-loup... au-grand-respect-que-je-vous-dois",
comme s'il s'excusait d'avoir commis une "insolenterie",
alors qu'il n'invoque jamais qu'un personnage de féerie
dont je faisais la connaissance, attentive et toujours ravie.

          C'est lui, le plus ancien des culs-terreux du coin,
          il connaît tout le monde alentour et plus loin
          et me renseigne aux petits soins :
A qui donc appartient, aux Fieux, cette maison toujours fermée ?
- A Monsieur Duvallon, il vit en Afrique, à longueur d'année.
          Et que fait-il, là-bas, quelle est sa fonction ?
                    -Heu... "la civilisation".
          Mais, pendant ses congés, il vous rend bien visite ?
                    - Non... ( mon voisin hésite ) :
                    c'est "un original",
"comme le péché", conclut-il, empruntant un ton doctoral.

Sa vigueur spirituelle est telle que le verbe suprême,
être, ne saurait avoir d'autre auxiliaire que lui-même :
- "Je suis été" trop occupé l'autre jour pour aller vous voir ;
- "Je serais été content" si je pouvais m'offrir un semoir.
Faute de cet engin, il faut le voir accomplissant, habile,
le geste auguste du semeur aux lourdes-semelles-d'argile.

Comment pourrait le tourmenter l'aigu dilemne shakespearien
          "to be or not to be", puisque tout aussi bien,
                    sans jamais se démettre,
          c'est deux fois, qu'il choisit d'être.

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    Requiem... mon voisin n'est plus depuis longtemps
    mais il me semble que j'entends
              encore son invit :
    " Finissez d'arriver", devançant ma visite,
              de sa râpeuse voix,
              comme hier... autrefois...

    C'était un grand infirme à qui je rends hommage,
              malgré tous ses défauts,
    car il sut maîtriser son sort avec courage,
    dès sa plus tendre enfance, un sort en porte-à-faux.

    A la porte du ciel, Saint Pierre a dû lui dire :
              "Au lieu de geindre et dériver,
    vous avez su tirer, oui, le meilleur du pire,
              "Finissez d'arriver"...



(1) R... initiale de révicouade, en vieux français : une répartie.