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Ayant un jour changé de maître, le nouveau patron, un grand Monsieur aux bonnes manières,
invitait tour à tour ses métayers pour prise de contact devant une bonne bouteille ;
le verre de l'Amitié... Mais voilà, notre "Grand Monsieur" ne comprenait pas le patois et notre "Bernillou" ne parlait pas le Français ! Et bien, il arriva ceci : au premier verre de ce nectar qui, quand il glissait dans le gosier, on aurait dit que le "Bondieu" vous léchait l'âme ! et bien, après ce premier verre, notre "Bernillou" sortait quelques mots de Français et notre "Grand Monsieur" comprenait un peu le patois... Au deuxième verre, notre "Bernillou" parlait assez bien le Français et le "Grand Monsieur" commençait à parler patois... Au troisième, le "Grand Monsieur" parlait très bien le patois et notre "Bernillou" parlait mieux le Français que lui ! ... Un jour que sa récolte de haricots risquait de périr à l'approche d'un gros orage menaçant et que notre conteur n'avait aucune place pour mettre son trésor à l'abri, il eut l'idée d'utiliser le grenier de l'église, ce que personne, jusqu'alors, n'avait osé faire ; par peur, probablement, d'éventuelles représailles du "Bondieu"... Notre "Bernillou" racontait qu'il s'était emparé d'un balai de brande pour y faire d'abord le ménage. Il monta au-dessus du plafond du baptistère et, à grands coups de balai et sans perdre de temps, l'orage grondant déjà, il fit descendre ce qui encombrait : nombre de "caboches"... Mais voilà ! Le bruit de ces crânes rebondissant sur les dalles de l'église l'incommoda... Il se résolut alors à prendre ces "caboches" une à une et à les déposer à terre, délicatement et sans bruit ! ... Le "Bondieu" le lui rendit bien : sa récolte fut sauvée. C'était en 1900... |