
"Le silence est Quelqu'un que l'on regarde, en qui l'on vit,
Quelqu'un que l'on respire
et dont la présence suscite continuellement l'émerveillement et le respect"
Maurice Zundel
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Il est un lieu,
à mille lieues du vaniteux tumulte.
On dit qu'en ce lieu, les pires mécréants vont se recueillir
et douter de leur incroyance.
Nom de diu qu'es lo silenci de la peira que te parla !
Joan Pau VERDIER
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portée de couleuvrine de l'abbaye de Chancelade, le prieuré de Merlande se muse
au milieu
des taillis et des bois. Son histoire rejoint celle de l'abbaye-mère : même combe perdue
et silencieuse, même paix de la sylve qui l'environne, même clapotis de la source proche
qui coule à travers le sinople des prairies.
Au reste, le lieu était déjà connu : il y avait longtemps que les voyageurs qui
empruntaient la voie romaine PÉRIGUEUX-SAINTES connaissaient la fraîcheur
de la fontaine.
Depuis vingt ans, Chancelade priait dans la vallée voisine lorsqu'en 1142,
le successeur de Guillaume de NANCLARS, Geoffroy de CAUZE,
Évêque de Périgueux de 1130 à 1144, lui unit le lieu de "MERLANDIA" avec
toutes ses appartenances, où Élie AUDOIN, second abbé de Chancelade, fit
bâtir une chapelle en 1143.
Elle fut établie sur une source jaillissant du sous-sol et dont les eaux claires
alimentent un petit ruisselet qui s'enfuit dans le vallon pour rejoindre la source du
"Got". Il est remarquable qu'elle ne tarit point !
"Au-dessous du sol de cet édifice, existe une voûte plein cintre, mi-taillée dans le roc,
qui nous a paru remonter à l'époque de la première construction. Serait-ce une crypte établie
sous la chapelle et dont quelques restes subsistent encore ?... Il se pourrait fort bien ; mais
nous pensons que plus tard elle eut une destination profane et servit de cellier aux
religieux du prieuré."
L'eau court dans cette crypte, la traversant de part en part, pour ressurgir à l'angle du
mur sud. Là, un filtre en retient les alluvions, avant de laisser les eaux alimenter
un lavoir, aujourd'hui disparu, et de s'épancher dans le vallon...
l y aurait eu un autre édifice
à "Landia" ( "les Landes" ) où l'Évêque aurait chanté la première
messe et béni un cimetière. C'est en 1705 que l'Évêque cède la maison
des LANDES, "Domun de Landis" à des religieux. Elle aurait été destinée aux
convalescents des abbayes et des prieurés voisins,
pour ceux qui avaient besoin d'un changement d'air et d'une solitude tranquille.
Ce devait être aussi un lieu de retraite momentanée, pour les moines qui voulaient passer
quelques jours dans un silence plus absolu ou plus austère.
Les Landes, en effet, ne sont qu'à deux lieues de Chancelade, et à 1500m de
Merlande. Leur position topographique, la surélévation du terrain et le bon air qu'on y
respire rendent cette double hypothèse parfaitement admissible.
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Sceau de la Vierge à l'Enfant
Etienne d'Auriac, 7ème abbé de Chancelade (1222 - 1232)
"sigillum abbatis sanctae mariae cancellatae"
sceau de l'abbé de Sainte Marie de Chancelade
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'est donc en 1143 que la première chapelle du prieuré, le sanctuaire
actuel, dédiée à Saint Jean-Baptiste fut élevée.
Pour accéder au sanctuaire, trois niveaux à franchir... Et pour passer la porte,
trois marches...et une conversion symbolisée par les corps en torsion sculptés dans les
chapiteaux des deux piliers de l'entrée...
Treize arcades feintes décorent les murs du sanctuaire.
"Une colonne avec deux arcades ont disparu pour faire place à une fenêtre, la seule
aujourd'hui qui éclaire le sanctuaire."
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L'ouverture, dans le fond de l'abside au-dessus de l'autel, a aussi été modifiée.
À l'origine, haute et
très étroite à l'extérieur, elle s'ouvrait largement vers l'intérieur, à l'identique de la
seule fenêtre que l'on peut considérer comme d'origine et qui se situe à mi-hauteur
du mur nord dans la nef. On l'a habillée d'un vitrail, certes
contemporain, mais artistiquement
travaillé et porteur d'un message fort, s'harmonisant parfaitement dans l'architecture
générale du bâtiment. Il s'agit d'une quintuple représentation en étages : trois épis de blé,
une colombe s'abreuvant, un poisson et une corbeille de pain, un agneau couché sur un
livre à 7 sceaux, et enfin un pélican rassasiant deux de ses petits
en donnant de son corps... Symbolique évidente de l'Eucharistie donnée par Jésus-Christ,
Fils de Dieu, qui a tant aimé le monde qu'il l'aima jusqu'au bout...
rente ans plus tard (vers 1160, 1170) on adjoignait à l'église deux travées à coupole. Celle de
l'ouest fut presqu'immédiatement démolie, sans doute en 1172, lors de l'invasion
anglaise, lorsqu'Henri II d'Angleterre et son fils Richard Cur-de-Lion
assiégèrent le Puy-Saint-Front et saccagèrent les alentours.
Les moines revenus, la reconstruction eut lieu, hâtive, et l'on jeta sur la travée
de l'ouest, une voûte en berceau brisé.
MERLANDE continua à partager la bonne et la mauvaise fortune de Chancelade, les temps de calme
et les temps d'inquiétude... Nous avons fort peu de renseignements sur la vie du prieuré
à cette époque. Seuls, quelques documents ont échappé à l'incendie révolutionnaire ;
incomplète même est la liste des registres, "baptistères, espouzailles et sépultures"
de la paroisse.
e n'est qu'en 1527 que le prieur Jean FABRI fit construire les trois autels,
le "pavé" et la poutre de gloire qui ornait l'entrée du sanctuaire, chapelle
originelle.
Des trois autels, un seul subsiste : celui du sanctuaire. Nous savons des deux autres que les
pierres sacrées, fort anciennes, étaient appuyées aux murs qui encadrent l'arc triomphal.
ais trente ans plus tard, l'invasion calviniste vint
porter le fer et le feu à Merlande. Sous l'administration de l'abbé François de Brianson,
l'abbaye de Chancelade fut ruinée deux fois par les protestants : la première fois, dans le
mois d'Août 1575 ; la seconde fois, le 15 juillet 1585.
Le prieuré est en partie détruit et saccagé à nouveau ; à nouveau
les moines reviennent et se remettent à l'ouvrage : ils fortifient le monastère, l'entourent
de fossés, bâtissent la tour au nord du prieuré, restaurent le cloître au
sud de l'église, ouvrent des meurtrières au-dessus du chevet...
Ils entourent aussi de murs et de fortifications le cimetière du prieuré, à un jet de pierre,
sur le tertre nord-ouest.
Trous de tir de la voûte
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"Les religieux de cette abbaye se réfugièrent-ils dans l'église de Merlande, ou bien leurs
ennemis s'en emparèrent-ils ? Les documents écrits nous manquent pour décider clairement
la question. Mais il est un fait incontestable que le monument lui-même nous révèle.
Il est certain qu'il fut occupé par des gens de guerre ou armés pour se défendre, et
qu'il devint un objet de lutte acharnée. Tout le démontre : un surhaussement considérable
des murs, de nombreuses meurtrières dans la partie exhaussée, un corps-de-garde établi
sur le sanctuaire, une tour avec des mâchicoulis, construite dans l'angle du mur, vers
le nord, des fossés et des postes fortifiés.
Ces travaux sont évidemment du XVIème siècle et portent le cachet de la plus grande
précipitation : murs exhaussés en moëllon ; les meurtrières sont faites avec du bois
et les ouvertures pratiquées dans les voûtes pour assaillir les gens qui auraient voulu
pénétrer dans l'église sont informes."
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uis vint le XVIIème siècle.
À Merlande, la vie continue à couler, tranquille et priante ;
Sur une des archivoltes de la porte d'entrée du prieuré fut gravé le mot PAX,
encore lisible aujourd'hui, indiquant qu'en cet asile on goûtait, dans le recueillement,
la prière et l'étude, la paix de Dieu que le monde chrétien devait vivement désirer en
ces temps de désordre.
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Le prieuré a reçu la visite et la réforme d'Alain de SOLMINIHAC ;
Raymond et Jean MARTIN sont prieurs de 1639 à 1657 ; ce seront aussi les
propriétaires, dans la seconde moitié du siècle, du domaine des Landes ;
d'ailleurs, le noble Jean MARTIN n'est-il pas avocat du roy au siège de Périgueux ? ...
La visite canonique ordonnée en 1688 par Mgr LE BOUX, Évêque de Périgueux, constate
que "Léonard ROCHE, religieux de Chancelade, est prieur et curé ; que tout est bien n'y a
pourtant des scindicqs et le cimetière n'est fermé".
u début du XVIIIème siècle, MERLANDE est une petite bourgade de 38 feux, "la plupart
métayers ou bordiers des bourgeois de la ville de Périgueux".
Elle renferme maisons,
halle (transportée, depuis, à La Chapelle Gonaguet). Quelques familles prennent de
l'importance ; il y a ainsi un chirurgien et un procureur d'office.
La vie est calme.
Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, le prieuré de Merlande aura été la propriété de la
communauté des chanoines réguliers de Saint-Augustin.
1790-1792. La Révolution n'épargne pas le vallon tranquille.
Le prieur LEYMARIE vient, ce 21 juillet 1792, de signer son dernier acte de baptême
( baptême de Antoine BOURLAND du village de la Genebrière ) ;
il grimpe
au clocher où son "portraict" sourit dans la salle haute ; les sans-culottes sont là,
devant les murs, avec fourches et bâtons...
Où fuir ?
Le prieur laissera coule, scapulaire et vie dans l'eau bourbeuse des fossés, près de la
tour d'angle.
Tout est pillé, détruit, des communs et des bâtiments claustraux ; les biens sont vendus
à la criée et le silence s'étend sur l'église qu'un dernier reste de foi a
heureusement épargnée...
Si les biens du prieuré de Merlande, ou tout au moins ce qu'il en restait, ont été
vendus au titre des biens nationaux, personne ne s'est trouvé alors acquéreur de l'église,
du presbytère et de son jardin...
Jusqu'en 1789, Merlande est une commune.
En 1789, elle est rattachée aux Andrivaux.
Le dernier Maire de Merlande, Alexandre Jean DANGLAND, habitait à "Frateau".
En 1809, la commune d'Andrivaux-Merlande est supprimée. Andrivaux
est rattaché à Chancelade et Merlande à La Chapelle Gonaguet.
Le 3 vendémiaire de l'an IX (1801), la commune de Merlande comptait 139 habitants
dont 13 à "Envaure", 14 à "Claveloux", qui fut l'un des plus importants
villages de la commune, disparu aujourd'hui, et se situait non loin de "Maisonneuve".
Le chef-lieu, quant à lui, ne comptait que 13 personnes.
ébut du XIXème. L'église menace ruine et le Conseil Municipal de La Chapelle décide...sa
démolition ! ... que l'intervention de l'abbé AUDIERNE parvient cependant à éviter.
Toutefois on détruit la tour du clocher et on abaisse la toiture.
La cloche est transportée au-dessus de la première travée et l'église est désaffectée.
Seul, une fois l'an, un curé voisin vient bénir les troupeaux, le jour de la Saint-Roch,
et Monseigneur DELAMAIRE, qui visite en 1902 le prieuré, admire "les scènes
et figures effacées des tableaux appendus aux murailles". Il rêve de restaurer l'église,
dédiée à Notre Dame des Arts...
En 1892, le Conseil Municipal de La Chapelle Gonaguet demande et obtient
le classement de l'ancien prieuré de Merlande aux Monuments Historiques, par
décret du 3 août 1892.
En 1907, sur la demande du Maire, M. MARCHADIER, et suite à une lettre de M. le
Marquis de FAYOLLE, délégué aux Monuments Historiques et conservateur du
Musée du Périgord, le Conseil autorise le transport du baldaquin de l'église de
Merlande au Musée départemental et ce, afin de sauver une des inscriptions les plus
intéressantes des églises de Dordogne.
délabrement intérieur...
d'après des photos publiées dans
"Le Périgord des églises et des chapelles oubliées"
de Pierre POMMARÈDE aux éditions PILOTE 24
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le sanctuaire
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le chur, côté sud
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La paroisse, depuis lors, se dépeuple ; les maisons des villages s'effondrent...
e pavé a été bien des fois remanié, à l'occasion de travaux, sépultures, vandalisme...
Seule est reconnaissable la dalle de
pierre qui recouvre le tombeau des prieurs, sous la coupole, à mi-chemin entre le porche et
l'autel : 13 prieurs y reposent en attendant la résurrection finale...
Sire "BERNILLOU", un habitant de Merlande de la fin du XIXème, humoriste à ses heures
se plaisait à conter, à sa façon évidemment, cette fameuse légende des
templiers qui chargèrent sept mules d'or et enfouirent le tout, mules y compris dans
une grande fosse qu'ils creusèrent en un endroit où personne n'oserait chercher...
Mais bien sûr, sous les dalles de l'église ! ...
En ces temps reculés, il s'est trouvé des crédules qui ont flairé, ou cru flairer, la chance
de leur vie...pour ne trouver que quelques ossements humains...
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la fin du XIXème ou au début du XXème, un certain Mauraud, probablement un
architecte, épris à l'évidence du lieu, établit 6 plans aquarellés de l'église de Merlande,
plans conservés aux Archives Départementales de Périgueux.
l fallut attendre 1945 pour que les Monuments Historiques se décident à restaurer
le prieuré, le sauvant, encore une fois, d'une ruine certaine et imminente... Il nous
souvient de ce dimanche ensoleillé de 1953, où une longue cohorte de clercs
s'acheminait en procession vers la vieille église : les ombres des moines de Merlande, après
cent cinquante ans, retrouvaient leur prieuré...
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"Dans l'angle du mur qui sépare le chur du sanctuaire, on remarque une grosse colonne
courte, dépourvue de chapiteaux, formant une espèce de tambour. C'est en elle qu'est placé
l'escalier pour arriver sur les voûtes."
Cet escalier était fermé par une porte de bois placé dans cette sorte de tambour. L'escalier
était déjà en ruine en 1874. En 1945, lors de la restauration du site par les Monuments
Historiques, il a été tronqué et donne aujourd'hui sur une petite porte de bois située à
mi-hauteur du mur sud.
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Vue des fortifications : la tour avec ses mâchicoulis, la chambre de défense et
les nombreux trous de tir...
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'est en 1962 que le logis du prieur,
est relevé de ses ruines par deux jeunes femmes
parisiennes qui eurent, pour ce lieu, le" coup de foudre". Une tour sera relevée, quant à elle,
quelques années plus tard, lors d'une seconde tranche de travaux. Une seconde tour ne sera
jamais rebâtie...
Accolée au sud de l'église, une ruine qui fit autrefois office de sacristie, de cellier et de
prison, a été restaurée en 1996 et a mis un point d'orgue à la restauration du prieuré.
Du cloître, si toutefois il y en eut un, rien ne subsiste, sinon des naissances d'arcs en
relief, des maçonneries et un arc coupé en deux, dans sa verticalité...
Ces logis et ces restes de cloître ne sont pas ouverts à la visite.
À une portée de flèche du prieuré, de l'autre côté de la route, se dresse
une ancienne maison dîmière, avec de belles fenêtres à meneaux. Elle constitue aussi
un espace privé qui ne se visite pas.
Si, du mobilier ancien de l'église, on ne retrouve qu'une cuve baptismale romane, on
n'oubliera pas de redécouvrir les cinq voussures brisées du portail et la chambre de
défense hérissée de mâchicoulis.
Sans oublier le baldaquin sculpté et découpé et la poutre de gloire enrichie
de fleurons et ornée de dix pots à feu qui se trouvent au musée du Périgord.
Ceux qui le souhaitent retrouveront surtout, si proche de Périgueux, mais dans une solitude
sylvestre, un site unique où la mémoire et les prières se conjuguent au passé et
au présent...
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d'après des textes de Jean SECRET et Pierre POMMARÈDE
extraits de "l'Abbaye de Chancelade et le prieuré de Merlande"
édition du S. I. Périgueux
La chapelle est ouverte tous les jours à la visite et à la prière.
Pour des raisons de sécurité, ni les combles, ni la crypte ne se visitent ; ni bien sûr, le
logis des prieurs, propriété privée.

Vous trouverez l'ensemble des pages d'histoire du prieuré de Merlande,
agrémenté de textes d'archives et de nombreuses images en plein écran,
sur le site Internet municipal de La Chapelle Gonaguet à l'adresse suivante :
www.gonaguet.com
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La réalisation de cette vitrine est une uvre collective et totalement bénévole !
Merci à M. GUIDOUX, Maire de La Chapelle Gonaguet, d'avoir permis sa réalisation.
Les poutres furent offertes par M. LIAUD, la vitrine par M. de BROVES, tous deux Conseillers
municipaux à La Chapelle Gonaguet.
L'assemblage fut le fruit du labeur et du doigté de Michel FOURNIER, paroissien de
Chancelade.
La supervision des textes fut assurée par le Père Louis de ROMANET, Mme GUIDOUX et M. et
Mme MALIGE.
Œuvre conçue et réalisée par Bernard MULLER, allias "Dadaillou", Chapelois et
webmaster du site Internet municipal.
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