Visite au cœur du domaine des blaireaux chapelois...






         Jeunesse, ici comme ailleurs, insouciante, imaginative, entreprenante...
Ils avaient su, pour la grotte de Lascaux, le chien, les jeunes écoliers, l'instit, et puis, les peintures, l'empreinte des hommes préhistoriques... Et ils en rêvaient. N'était-ce pas en Dordogne ? Et pourquoi pas à La Chapelle...
Ils en rêvaient, surtout le chef, Jacques et sa bande, Pierrot, Dédé, Jean, Daniel et les autres... Les Zazous des années 60...
Ils en rêvaient et ils l'ont fait !
Ils ont pénétré le ventre d'Envaure à la recherche d'un Lascaux chapelois caché au pied de la colline...

         Quarante ans plus tard, il leur reste les souvenirs, lointains déjà, rêve et réalité mêlés...
De leur épopée, un conte, une fiction, mais c'est trop : on pourrait croire que c'est vrai.
Allez démêler le vrai du faux, vous !
Laissons cela et prenons le tout, comme une jolie histoire, l'histoire passée des Zazous chapelois...

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         Il était une fois, il y a fort longtemps, cinq jeunes Chapelois autant intrépides que téméraires et qui, menés par l'un d'eux, plus hardi peut-être que les autres, décidèrent d'explorer ensemble LE TROU DU ROCHER, porte mystérieuse vers un Lascaux inconnu, tapi au fin fond d'une longue et étroite vallée herbeuse, juste à l'endroit où la colline d'Envaure reprend ses droits, raide, caillouteuse et boisée...

         Il y avait là ce TROU DU ROCHER, fameux, comme une invitation à un ailleurs, à la découverte d'un autre monde, au rêve... Tant de fois déjà, ils en avaient caressé le songe, surtout Jacques, sans jamais avoir osé franchir le pas... Le chien de Bidasse n'y était-il pas resté trois jours avant de ressortir, amaigri mais vivant ?
Aujourd'hui, c'est décidé, ils plongeront, comme de vrais Chapelois qu'ils sont, soudés ensemble, tous pour un, un pour tous ! L'unité régnait sur cette jeunesse du village et la division n'avait pas encore souillé cette ruralité de grosse bure qui rend uni dans le travail ou dans l'épreuve. On avait peu, mais on le partageait volontiers. On ne savait pas grand chose du monde, mais on était solidaire, de parole et franc du collier à La Chapelle, en ce temps-là...
Et surtout, on s'amusait et on allait partout !

         On voulut y entrer, sans autre forme de procès. C'est qu'à cet âge, on croit à tout ! Oui mais voilà, certains coincèrent : c'est trop étroit ! Seul Dédé, et encore, arrivait à s'y engager...
Qu'à cela ne tienne, la jeunesse est tenace : et l'on s'arma de pelles, de houes sans manche, de pics, pour dégager une entrée convenable. Travail d'un été de grandes vacances et avec la bénédiction des chasseurs qui ne s'y opposèrent point car le trou était aussi celui des renards et des blaireaux...

         Encordés donc, tels des spéléologues conquérants, en un âge où cette discipline n'avait pas dix ans d'existence, les voilà, tous les cinq, torche et bougie à la main, le souffle court, le cœur battant, à s'enfiler dans l'étroit passage au ras de terre, porte noire ouverte sur un monde inconnu...
D'emblée, une légère descente. On la connaissait pour l'avoir souvent explorée des yeux, depuis l'entrée, à la lueur de la torche... On se parlait encore, comme pour exorciser la tension. Car plus loin ?...
Plus loin on se tut et les épaules, une à une, raclaient le rocher des deux côtés : c'était vraiment étroit et il fallait se faire anguille mais le sol était plat et c'était déjà rassurant. On avança, on avança encore, dix, quinze, peut-être vingt mètres sous la terre...

         Soudain, le cri, STOP ! Là, devant le premier encordé, à ses pieds, un gouffre béant était près à tous les avaler. On y aurait enfilé un arbre entier tellement c'était grand ! Grand et profond qu'on n'y voyait pas le fond ! Le couloir s'était un peu élargi, de sorte que chacun put voir ce début du ventre de la terre d'Envaure d'où on crut entendre monter quelques bruits d'eau lointains...
On résolut d'y descendre, ce que l'on fit avec courage. La salle était vaste. Les yeux s'habituant, on découvrit cent, peut-être mille stalactites de la longueur d'un bras. Et l'on distingua même quelques ossements, sûrement des restes d'hommes préhistoriques !
On se sentait fier et frissonnant un peu d'avoir su braver le danger jusqu'à sa limite infranchissable.
Au fond, trois couloirs ! On en prit un mais le chef nous ramena à la réalité : deux fois déjà que la bougie s'éteignait toute seule, trois maintenant : l'air doit manquer, tous dehors !
On apprit plus tard, après analyse de cet air, qu'il contenait de l'ypérite, ce gaz mortel employé dans les tranchées au cours de la seconde guerre mondiale et maintenant par les chasseurs voulant éradiquer les renards dans leurs terriers...

         Il fallut se résigner, et les oiseaux étonnés virent nos cinq Chapelois, plus soudés que la veille par l'exploit partagé, ressortir un à un, clignant un peu des yeux sous la lumière du soleil retrouvée...
Bien sûr on en parla longtemps, et l'on vint souvent jusqu'au TROU, rêver encore.
Jusqu'au jour où un chien audacieux ou inconscient, excité peut-être par quelque odeur de renard ou de blaireau s'y précipita avant que son maître ait pu l'en empêcher de la voix. Et le pire, alors, arriva : on l'entendit japper, de plus en plus loin, et puis...plus rien ! Jamais le chien ne ressortit de ce ventre qui l'avait englouti !

         Décision fut prise, presque à la hâte : on déversa dix, peut-être vingt remorques de ces petites pierres arrondies que l'on trouve à foison du côté de Maisonneuve et l'on n'entendit plus parler du TROU DU ROCHER, entré presque dans la légende du pays...

         Jusqu'au jour où... Et là s'arrête la fiction pour laisser place au réel.

         Jusqu'au jour où des spéléologues, discipline toute jeune dans le paysage des loisirs français, des spéléologues donc s'intéressèrent à l'endroit : l'un d'eux, ou plutôt l'une d'eux, Monica, était Chapeloise !
On était en 1996...
On ne retrouva point l'entrée obstruée, bien sûr, mais on en trouva une autre, une étroite faille au sol, à peine visible et cependant dégagée : une coulée de bêtes montrait bien que ce trou était habité... On évita donc le printemps, au cas où, et l'on eut mille fois raison : la grotte est un lieu de reproduction des blaireaux Chapelois qui, comme chacun sait, sont des bêtes craintives mais pouvant devenir dangereuses pour défendre leurs progénitures à la saison des mises bas.

         On désoba [enlèver les alluvions pour se frayer un passage praticable, en jargon spéléo] et l'on découvrit une première salle, basse de plafond, mais assez haute pour s'y tenir assis et assez vaste pour y prendre le café à 6 ou 7...
Partout des cavités qui en cachent d'autres... Mais surtout un spectacle de fines lianes pendant au plafond sur des concrétions de "dents de la mer" : racines des arbres (on n'est pas loin du sol) et vestige d'une humidité aujourd'hui quasiment disparue... Partout aussi des "nids" de déjections de blaireaux...avec l'odeur ! Mais cela n'arrête pas un spéléo passionné...

         Dans le fond s'ouvre une porte qu'on aurait crue découpée de main d'homme. Une porte de grotte j'entends : 50cm sur 40cm à tout casser. Mais pour un spéléologue, c'est un portail qui s'ouvre !
Le passage est étroit, tourne en montant sur plusieurs mètres avant de déboucher sur une seconde salle, plus basse encore mais vaste, elle aussi... Là, point de concrétion mais encore de nombreux recoins ici ou là, et toujours autant de "nids" de blaireaux.

         À première vue, point d'ouverture nouvelle.
C'est sans compter sur le flair de Monica qui, intriguée autant qu'intuitive, remarquera un espace qui lui laisse penser qu'il y avait quelque chose, là, derrière... Aidée de son mari, elle parviendra à descendre le niveau du sol dans un fond et découvrit un boyau s'enfilant en tournant sur la gauche, très étroit mais suffisant pour un passage. Un passage sans casque, en indienne, un bras devant, l'autre derrière...
Ses efforts sont couronnés de succès : elle débouche sur un couloir d'une dizaine de mètres...
Photos, recherche d'autres trous au voisinage, cette première vague d'exploration s'arrête là et s'endormira sur 15 années de silence...

         Mais, en ce 3 août 2011, je demande à Monica de m'y conduire : je voudrais en avoir le cœur net : le sous-sol chapelois recèlerait-il un réseau de grottes souterraines en cet endroit ?
Avec la bénédiction du propriétaire, nous voici à pied d'œuvre...ou plutôt à plat ventre, à nous enfiler dans ce sous-sol d'aventure.
Nous redécouvrirons les lieux, tels qu'ils étaient en 96, peut-être un peu plus secs, bien qu'un gros orage ait sévi la veille. Toujours ces concrétions, ces radicelles pendantes, ces trous garnis et leur odeur... Dans la seconde salle, un peu de mousse, preuve que les lieux sont toujours fréquentés...
Je ne prolonge pas mon séjour dans le boyau du fond : le peu d'habitude de ce genre de reptation et le manque d'oxygène en ce fond reculé m'ont essoufflé et il me tarde de rejoindre la seconde salle où un bon café m'attend.
Merci Monica !

         Au retour, nous croisons un ancien Chapelois, familier des bois alentours, et qui avait rejoint, un temps, la fameuse bande des Zazous. Il nous amènera vers une autre entrée, cachée dans la forêt, dont l'exploration avait juste commencé en 96. Et Monica y retrouvera un bac à désober, oublié ici il y a 15 ans !!
Qui aurait pu fréquenter ces lieux souterrains et lui ravir son bien !
Si vous avez quelque trésor à cacher, vous savez maintenant où il faut l'amener ;-))

         Et pour terminer cette visite, c'est en image que je vous le propose !

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L'entrée de la grotte...
      

Un passage plutôt étroit...

Et plutôt bas de plafond, non ?...

Première salle...
      

Les "dents de la mer"...

Étrange spectacle...
      

Un chevelu de racines...

Station debout interdite !

La seconde salle...
      

Vers la sortie...

Pause café...

      

La porte...

Partout, des "nids" de blaireaux
      

Qu'à cela ne tienne : on continue !

Au fin fond de la grotte......

         En ce fin fond, un autre passage, trop étroit à ce jour, mais qui laisse espérer une continuité, d'autres salles peut-être...
À ce jour, une cinquantaine de mètres de souterrains naturels sont "praticables". Gageons que la passion saura conduire Monica et ses compagnons spéléologues plus loin encore...
C'est ce que nous espérons tous.
Allez, courage et en route !!!

Article rédigé par Bernard MULLER
à partir des souvenirs
de Mrs. GALLEGO et LAVAUD.




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