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"Le silence est Quelqu'un que l'on regarde, en qui l'on vit,
Quelqu'un que l'on respire
et dont la présence suscite continuellement l'émerveillement et le respect"

Maurice Zundel

"Au fond d'une étroite vallée, charmante par ses eaux et ses ombrages, dans une paisible et mystérieuse retraite qu'entourent des landes et des bruyères [...] fut construit un prieuré, sous le vocable de Saint-Jean. [...] De toutes les constructions élevées alors, la chapelle seulement [avec le logis des prieurs] subsiste aujourd'hui. Sa construction et les souvenirs que son aspect fait naître, invitent à visiter ses ruines." ³

"Son origine se rattache à ces siècles de désordre et de confusion où deviennent inexplicables ces sentiments de foi, de générosité et ces grands caractères qu'on y admire souvent.
Des espèces de vagabonds, sous le nom de chevaliers errants, parcouraient surtout le midi de la France, pillant les habitations, détroussant les voyageurs, et jetant partout sur leur passage l'épouvante et le deuil. [...]
L'église de Merlande fut jetée dans ce désert comme une sauvegarde et un refuge."
²

"Là existe, depuis plus de huit siècles, une chapelle solitaire, dont le nom, formé de deux mots celtiques, mer lande, signifie, suivant Bullet, une vaste solitude." ¹

"Arrivé auprès de cette remarquable église, qu'on aperçoit pour ainsi dire que lorsqu'on est au pied de ses murs, une foule de questions viennent assaillir l'esprit sur le but qu'on pouvait se proposer en fondant cet édifice. La fontaine qu'on y aperçoit, et dont les eaux limpides s'échappent en sillonnant la vallée, fut-elle le motif de cette création ? [...] Les fondateurs de cette église n'auraient-ils voulu que rendre moins dangereux ce lieu désert et offrir aux passants plus de sécurité, par la présence d'un édifice religieux ? " ¹

"En vain chercherait-on quelques sculptures sur le plein des murailles extérieures ; Il n'en existe quelques-unes que dans les modillons de la corniche du sanctuaire. Ces espèces de consoles représentent des têtes grotesques d'hommes et d'animaux. Sur l'une d'elles on remarque un oiseau semblable à un coq ; il est parfaitement sculpté. Il n'est pas douteux que cet oiseau soit un basilic, symbole religieux assez souvent employé dans les constructions de cette époque. Cet animal était regardé comme puissant et très redoutable. Super aspidem et basiliscum ambulabis et conculcabis. Psaume 90." ¹

CÔTÉ SUD

CÔTÉ NORD

On remarquera la disparition du modillon, à droite sur la seconde la photo.
"Ce qui m'a consterné, c'est la disparition du mignon petit diablotin qui a été arraché en haut du montant gauche de l'entrée du domaine, ce que ces messieurs les archéologues appellent les monstres-léoniens ; mais celui en question était loin d'être un monstre mais il avait un sourire ironique et était d'une grande finesse d'exécution. Il était admirable" 4



"Sur une des archivoltes [de la porte d'entrée du prieuré] fut gravé le mot PAX, encore lisible aujourd'hui, indiquant qu'en cet asile on goûtait, dans le recueillement, la prière et l'étude, la paix de Dieu que le monde chrétien devait vivement désirer en ces temps de désordre." ³

"Dans ces temps de désordre et depuis le VIème siècle dans lequel Saint Benoît donna sa règle, les ordres religieux firent un bien considérable aux classes inférieures de la société occidentale. Enseignant et pratiquant la charité, possédant seuls la science, ils attiraient autour des centres qu'ils avaient créées la plus grande partie des populations des campagnes, qui, là, trouvaient une protection morale beaucoup plus efficace que celle accordée par les batailleurs de cette funeste époque. Le pauvre venait à l'abbaye, et vers lui les bras se tendaient. Sa misère était soulagée, du travail lui était donné.
Les évêques, les seigneurs laïques, de simples particuliers, firent des dons considérables à ces établissements ; aussi dès le XIème siècle, possédaient-ils une grande partie du sol, qu'ils défrichaient et cultivaient. Ce fut là une de leurs gloires, qui plus tard fut trop vite oubliée."
³

"En entrant dans l'église de Merlande, on éprouve involontairement un sentiment de respect mêlé d'admiration. On s'arrête dès le premier pas, surpris de trouver dans cette solitude une église qui, par le caractère de son style, rappelant les générations les plus reculées, contraste singulièrement avec l'isolement et l'abandon dans lesquels elle se trouve aujourd'hui." ¹
En 1846 effectivement, la chapelle était très abîmée, prête à s'effondrer, et les alentours, en ruine...

"Le baptistère, de forme cylindrique, et semblalble à un fût de colonne, est très curieux. Il est bien étonnant qu'il ait échappé aux mutilations si communes dans toutes les églises, d'où l'on bannit tout ce qui est ancien pour y substituer des choses modernes, dans la pensée que les goûts populaires en seront bien flattés. Les sculptures de ce petit monument représentent une série d'anneaux losangés, s'enchaînant les uns dans les autres et occupant toute la surface. Il est sans base et sans corniche, tel qu'il sortit des mains de l'ouvrier, pour la destination qu'il a perdue à l'époque de la suppression de l'église de Merlande. En le conservant soigneusement, il viendra sans doute une époque où son utilité pourra de nouveau être appréciée." ¹

Ce "petit monument" aurait donc disparu pour être remplacé par deux autres, assurément anciens, mais dont la provenance reste à découvrir...

À l'angle opposé, une porte murée... Ce n'est certes pas la trace de l'antique "porte des morts", puisqu'elle ouvrait au sud, sur l'ancien cloître...

"J'ai vu aussi la remarquable boiserie qui entourait les fonts baptismaux monobloc, présumés du VIIIème ou IXème siècle, dans lesquels le candidat au baptême entrait en entier !
Toutes ces boiseries existaient encore en 1955, démontées. Les boiseries entourant le baptistère étaient splendides, panneaux moulurés romans, piliers tournés sculptés ainsi que les barreaux, tous sculptés."
4






"Une nef, un chœur et un sanctuaire, telle est l'ordonnance de cette petite église.

Deux travées de voûtes séparées par un arc-doubleau, reposant sur deux colonnes, composent la nef et le chœur. La première travée offre une voûte cylindrique ; la seconde en présente une de sphérique."
¹

"Vers 1120, quelques religieux s'établirent à Chancelade (fons cancellatus) et y fondèrent une abbaye dont l'importance alla toujours croissant, grâce aux dons généreux des évêques de Périgueux, Guillaume d'Auberoche (1099-1130), Guillaume de Nanclars (1130-1138) et Geoffroy de Cauzé (1138-1142). Vers 1142 ce dernier accorda à l'abbaye le lieu de Merlande, où Élie Audoin, second abbé de Chancelade, s'empressa de faire construire une chapelle. [...] On ne construisit que la partie dont le style est pur roman. En élevant cette construction et en y adjoignant des bâtiments d'habitation et d'exploitation, l'abbé de Chancelade voulut-il en faire un centre d'agriculture, ou encore un lieu de refuge destiné aux voyageurs ?
Quelques années plus tard, cette chapelle étant jugée trop exiguë, on résolut de l'agrandir en lui accolant deux travées surmontées chacune d'une coupole. Mais les Anglais courant la campagne aux environ de Périgueux, durent saccager Merlande, et il est probable qu'alors, vers 1172, la première travée à coupole fut abattue. ³

"À peine cette église était achevée, que les revers vinrent l'assaillir. Périgueux refusait de se soumettre à la domination anglaise. Le roi d'Angleterre résolut d'en faire le siège. En 1172, ce prince, accompagné de ses deux fils, Henri-le-jeune et Richard, duc d'Aquitaine, d'Alphonse II, roi d'Aragon, et d'Emmengarde, dame de Narbonne, se présenta devant le Puy-Saint-Front, le point le plus fortifié de la ville. Repoussé vigoureusement, il se vit contraint de lever le siège et de se retirer. Honteux de sa défaite, il s'en vengea sur les environs de la ville, les couvents, les communautés, les églises, et Merlande fut saccagé. Une partie de la nef fut détruite. Il ne resta debout qu'une coupole et le sanctuaire." ²

"La reconstruction fut presque immédiate ; seulement, craignant quelques nouvelles dévastations, les ressources manquant peut-être aussi, on prit le parti de remplacer la coupole abattue par une voûte ogivale en berceau, qui recouvrit alors la travée démolie. [...] La porte d'entrée, épargnée à hauteur de l'archivolte supérieure, fut reliée avec les nouvelles maçonneries." ³


"Les chapiteaux des colonnes supportant l'arc-doubleau attendaient des ornements qui leur ont été refusés. À quoi tient cette circonstance ? Il serait difficile de le dire. On manqua, sans doute, de sculpteurs pour ce travail, qui eût été postérieur aux décorations nombreuses du sanctuaire." ¹

À moins que la construction des coupole n'ait malheureusement coïncidé avec l'arrivée de Richard-Cœur-de-Lion et de ses troupes...

"Quatre fenêtres, extrêmement allongées, et semblable à des barbacanes, éclairent cette église. [...] Elles sont évasées à l'intérieur et offrent partout le plein-cintre. ¹
Il semble que la restauration n'ait pas toujours respecté ces dimensions... Une seule ouverture, visible sur la photo ci-dessus, pourrait correspondre à celles d'origine.


On remarquera la grande dalle centrale au-dessous de laquelle reposent 13 prieurs... Elle se trouve à égale distance de la porte et du maître-autel, au pied de la balustrade des autels latéraux... Elle est directement sous la clé de voûte de la coupole, et se trouve ainsi au centre même de l'édifice.
"Au-dessus de la coupole bien conservée, était construite une tour qui, menaçant ruine, fut abattue il y a à peine quarante ans [en fait, autour de 1850] Nous n'avons pu que reconnaître ses soubassements bâtis sur les arcs-doubleaux et les murs longitudinaux sur lesquels fut établie la coupole elle-même." ³

Ajoutons que, pendant sept cents ans, le clocher de l'église étant au-dessus de la coupole, la corde de la cloche passant par la clé de voûte, le sonneur foulait ainsi la pierre des prieurs décédés. Les religieux voulaient être humbles, jusque dans leur tombeau. Il semble aussi que leurs mains, glacées par la mort, eussent voulu appeler encore au pied des autels leur chrétienne population...

"Dans l'angle du mur qui sépare le chœur du sanctuaire, on remarque une grosse colonne courte, dépourvue de chapiteaux, formant une espèce de tambour. C'est en elle qu'est placé l'escalier pour arriver sur les voûtes." ¹

Cet escalier était fermé par une porte de bois placé dans cette sorte de tambour. L'escalier était déjà en ruine en 1874. En 1945, lors de la restauration du site par les Monuments Historiques, il a été tronqué et donne aujourd'hui sur une petite porte de bois située à mi-hauteur du mur sud.

départ de l'escalier dans l'épaisseur du mur


arrivée sur la porte
(donnant sur le vide)

vue sur le chœur


"Ce monument fut bâti après la première croisade, à laquelle se trouvait Rainaud, de Thiviers, évêque de Périgueux. L'ogive qui y règne avec le plein cintre n'est qu'un vivant souvenir de cette religieuse expédition.
À l'époque de la construction de l'église de Merlande, les architectes avaient abandonné le système des voûtes sphériques. Les voûtes étaient divisées par parties carrées, et les arcades étaient croisées pour neutraliser la pression latérale, qui était divisée sur quatre points opposés et correspondant à des piliers ou à des faisceaux de colonnes. La présence des coupoles dans cette église n'est qu'une imitation des églises cathédrale et collégiale de St-Etienne et de St-Front. Il est évident qu'on voulut prendre pour modèle le style et le plan de ces deux églises. [...]
Ce genre d'architecture, déjà étranger au XIIème siècle, ne fut donc adopté, ce nous semble, qu'avec une intention marquée de plaire au donateur du terrain. On crut ne pouvoir mieux faire que de prendre sa cathédrale pour modèle. Le sentiment de la reconnaissance autorise naturellement cette conjecture." ²





La porte du sanctuaire, autrefois surmontée de la "Poutre de Gloire",
probable ancienne entrée de la chapelle primitive...

Pour accéder au sanctuaire, trois niveaux à franchir... Et pour passer la porte, trois marches...et une conversion symbolisée par les corps en torsion sculptés dans les chapiteaux des deux piliers de l'entrée...

"On voit sur ces chapiteaux des lions, des tigres entrelacés, luttant ensemble et se déchirant. Leur pose est admirable, et le sculpteur a su donner à ces animaux une expression si vraie, qu'on est frappé de leur attitude et de l'air menaçant qu'elle inspire." ¹
"On est presque effrayé de leur air farouche, qui s'harmonise si bien avec la demi-obscurité régnant dans la chapelle.
Au-dessus de cette porte, le mur s'élevait plein et enfin formait un fronton qui, lors des adjonctions postérieures, fut rasé."
³
Dans le sanctuaire, ces animaux, du haut d'élégantes colonnettes formées d'un cylindre d'une seule pièce, "diront" la création quand, de leurs gueules ouvertes, s'épanchera la luxuriance du monde végétal... Ces chapiteaux sont, en effet, "couverts de sculptures très variées. Les uns sont chargés de feuilles, d'entrelacs, de torsades, de chevrons brisés, de billettes, et les autres de figures fantastiques, à la bouche desquelles aboutissent les enroulements de diverses feuilles ou d'ornements variés." ¹
On ne peut s'empêcher de songer au mot de Maurice Zundel :

"Le sens même de l'univers est de refléter le visage de Dieu,
c'est de participer à son amour,
c'est d'entrer dans la jubilation de la Trinité divine."


(les chapiteaux du sanctuaire, de gauche à droite)



sanctuaire côté EST
>
sanctuaire côté OUEST

Treize arcades feintes décorent les murs du sanctuaire.
"Une colonne avec deux arcades ont disparu pour faire place à une fenêtre, la seule aujourd'hui qui éclaire le sanctuaire. Primitivement, il en existait une dans le fond de l'abside. Elle était semblable à celles qui éclairent la nef. Elle a été bouchée [...] ainsi qu'un œil de bœuf construit beaucoup plus tard." ¹

L'ouverture, dans le fond de l'abside au-dessus de l'autel, a donc été modifiée. À l'origine, haute et très étroite à l'extérieur, elle s'ouvrait largement vers l'intérieure, à l'identique de la seule fenêtre que l'on peut considérer comme d'origine et qui se situe à mi-hauteur du mur nord dans la nef (voir photo plus haut). On l'a habillée d'un vitrail, certes contemporain, mais artistiquement travaillé et porteur d'un message fort, s'harmonisant parfaitement dans l'architecture générale du bâtiment. Il s'agit d'une quintuple représentation en étages : trois épis de blé, une colombe s'abreuvant, un poisson et une corbeille de pain, un agneau couché sur un livre à 7 sceaux, et enfin un pellican rassasiant deux de ses petits... Une symbolique à déchiffrer mais dont le sens transpire le verre...

"Au-dessous du sol de cet édifice, existe une voûte plein cintre, mi-taillée dans le roc, qui nous a paru remonter à l'époque de la première construction. Serait-ce une crypte établie sous la chapelle et dont quelques restes subsistent encore ?... Il se pourrait fort bien ; mais nous pensons que plus tard elle eut une destination profane et servit de cellier aux religieux du prieuré." ³

Mais il se trouve que la source, justement, jaillit en cet endroit ! Imprenable si l'on ne prend le bâtiment.
L'eau court dans cette crypte en y déposant ses alluvions, pour ressortir à travers le mur, côté sud.
A quelques mètres de là, la commune de La Chapelle Gonaguet a fait constuire, en 1924, un lavoir public sur un terrain qui, lui, était privé. Ceci déclencha, une soixantaine d'années plus tard, une querelle s'achevant au tribunal de grande instance de Bordeaux... Lequel confirma le caractère privé du lieu. Ce lavoir fut enseveli. Il n'en reste aujourd'hui qu'un bac de décantation en pierre de forme originale où convergent les eaux de la source.

Cette source fut protégée, au XVIème siècle, par un trou de tir rasant, comme il en fut aménagé ailleurs, tout autour du prieuré. C'était au temps des guerres de religion...

La source jaillit à l'angle des bâtiments. Elle est captée et canalisée jusqu'au réservoir en pierre qui servait de filtre à l'entrée du lavoir, aujourd'hui disparu.

Une voûte en berceau plein cintre couvre le sanctuaire. De la chambre forte, élevée au-dessus du sanctuaire, un judas permettait de suivre les célébrations... À moins que ce ne soit un trou de tir aménagé au XVIème siècle et protégeant l'autel, tel qu'il en a été créés bien d'autres, dont deux, l'un à côté de l'autre, à la base de la coupole et protégeant la porte d'entrée de la chapelle...




Trous de tir de la voûte, vue de l'extérieur et vue de l'intérieur

Car Merlande, balafrée presque dès sa naissance par l'Anglais, dut encore souffrir par la sauvagerie des hommes...
"Plus tard, au XVIème siècle, Merlande se trouva mêlé à des luttes religieuses qui lui attirèrent de nouveaux revers et lui valurent encore des ruines." ³
"Sous l'administration de l'abbé François de Brianson, l'abbaye de Chancelade fut ruinée deux fois par les protestants : la première fois, dans le mois d'Août 1575 ; la seconde fois, le 15 juillet 1585.
Les religieux de cette abbaye se réfugièrent-ils dans l'église de Merlande, ou bien leurs ennemis s'en emparèrent-ils ? Les documents écrits nous manquent pour décider clairement la question. Mais il est un fait incontestable que le monument lui-même nous révèle. Il est certain qu'il fut occupé par des gens de guerre ou armés pour se défendre, et qu'il devint un objet de lutte acharnée. Tout le démontre : un surhaussement considérable des murs, de nombreuses meurtrières dans la partie exhaussée, un corps-de-garde établi sur le sanctuaire, une tour avec des mâchicoulis, construite dans l'angle du mur, vers le nord, des fossés et des postes fortifiés.
Ces travaux sont évidemment du XVIème siècle et portent le cachet de la plus grande précipitation : murs exhaussés en moëllon ; les meurtrières sont faites avec du bois et, les ouvertures pratiquées dans les voûtes pour assaillir les gens qui auraient voulu pénétrer dans l'église sont informes."
²

                 

"Nous n'avons plus, à cette époque, de murs construits en pierre de taille de Chancelade ; la nécessité forçait à employer le moellon brut qui se trouve à profusion aux environ de la chapelle. Une tour avec mâchicoulis fut construite à l'angle nord du bâtiment primitif, et une pièce, assurément, fut établie au-dessus de la chapelle romane : elle a servi de logement aux défenseurs.
À cette pièce, on communiqua par un escalier crénelé, bâti extérieurement sur le flanc de la façade latérale du sud.
[peu reconnaissable sur la photo ci-dessus, semble un plan incliné gris entre la toiture à gauche et le mur de la chapelle]
Au droit de la porte d'entrée, au-dessus de la chapelle romane et dans l'arc doubleau de la travée à coupole, furent percées des meurtrières plongeant dans les premières travées de la chapelle et les commandant. Dans le mur de façade, orienté vers l'ouest, les traces de meurtrières existent encore, et plusieurs parties des murs gouttereaux sont restaurés en blocaille, signe évident de dégâts réparés avec la plus grande hâte."
³


L'entrée de la tour, au-dessus du sanctuaire (salle des gardes)

‹— L'escalier intérieur permettant d'accéder à la salle des gardes

Vue plongeante depuis un mâchicoulis

À l'intérieur de la tour d'angle —›


Vue sur l'autel, depuis le judas,
dans la salle des gardes

"Des défenses extérieures furent également construites ; des fossés, entourant toutes les constructions, subsistent encore, commandés par quelques ouvrages avancés.
Des cloîtres, aujourd'hui rasés, mais dont quelques amorces indiquent encore l'emplacement et la direction, étaient bâtis au nord et au sud de la chapelle.
Sur le mur longitudinal, du côté nord, des traces de toits, et, espacés régulièrement, des trous ayant reçus les abouts de poutrelles d'un plancher, indiquent de la façon la plus évidente que des bâtiments d'habitation y étaient appuyés."
³

"Le cimetière, en avant de la porte principale, était clos de murs dans lesquels des meurtrières, visibles encore aujourd'hui, furent ménagées. Il formait un ouvrage avancé commandant cette porte et destiné à en battre les abords. Du reste, sa position sur un tertre l'indique suffisamment.
[...]
Toutes les constructions dont nous venons de parler subsistèrent jusqu'en 1789, telles qu'elles avaient été complétées au XVIème siècle. Cette date est funeste pour le prieuré de Merlande, et c'est à peine si, grâce à quelques esprits éclairés, il a pu, depuis, ne point complètement être enseveli sous ses ruines."
³

"À cette époque, le dernier prieur, obligé de fuir pour échapper aux poursuites dirigées contre lui, se noya dans les fossés de son prieuré. Son portrait, conservé dans la tour qui existe encore, se voyait il y a quelques années. Il a aujourd'hui disparu. Ces quelques détails sont toujours présents à l'esprit des habitants de Merlande, qui ont bien voulu nous raconter l'évènement. Tout fut pillé, saccagé, détruit de fond en comble ; la chapelle seule fut épargnée ! Qui retint alors l'aveuglement de ces barbares ? Nul ne le sait !... Les bâtiments d'habitation et d'exploitation furent complètement rasés, et peu s'en fallut, sans doute, que tout ne fut détruit." ³

M. MIALLION fut nommé commissaire délégué par la commune de Merlande pour la vente des appartenances du prieuré de Merlande, présidant aux adjudications faites à la Révolution. Comme de coutume, son nom fut gravé dans la pierre...

"La tourmente passée, et lors du concordat de 1801, Merlande fut déclassé, fondu dans la commune de La Chapelle Gonaguet, et la chapelle abandonnée nue et sans couverture aux intempéries des saisons.
Les constructions primitives n'en souffrirent point, car, aujourd'hui encore, elles ont tout autant de solidité qu'à leur origine. Toutefois, les constructions du XVIème siècle modifiant tout l'édifice et ayant subi quelques tassements, on craignit une destruction prochaine et totale de cet édifice que les arts ont tant d'intérêt à conserver.
Mais une fois encore la chapelle fut sauvée ! M. l'abbé Audierne, dont on ne saurait trop louer l'initiative, obtint de M. le ministre de l'intérieur qu'elle fût classée au nombre des monuments historiques. Cette distinction lui valut quelques crédits qui permirent de la recouvrir entièrement d'une charpente nouvelle.
³
En effet, la municipalité de la commune manquant de ressources pour l'entretenir et redoutant les accidents, tant l'état de délabrement était critique en ce milieu du XIXème siècle, avait décidé la démolition partielle du bâtiment !

Voici ce qu'écrit l'abbé Audierne, en 1847, en guise de rapport d'inspection qui déboucha sur le renoncement du maire de La Chapelle Gonaguet à démolir l'église et sur l'obtention de fonds pour sa restauration auprès du ministre de l'intérieur de l'époque, au titre des monuments historiques :


"L'église primitive est construite toute entière en pierre de taille. Nulle lézarde ne se manifeste dans cette construction. Les murs sont aussi solides qu'ils l'ont jamais été. Ils étaient peu élevés, comme l'annonce la corniche du sanctuaire, et dominés par les coupoles apparentes. Mais l'exhaussement des murs mal construits n'a pu résister à l'intempérie des saisons et à l'action meurtrière du temps. Ces murs du XVIème siècle se sont entr'ouverts dans plusieurs endroits et offrent peu de sécurité. Un mur bâti sur un arc-doubleau, pour supporter un clocher, augmente le danger ; et la toiture, la charpente, abandonnées à elles-mêmes depuis plus d'un demi-siècle, se dégradant journellement et favorisant l'infiltration des eaux dans les murs et dans les voûtes, finiront par amener la ruine d'un monument que l'art tient à conserver. [...]

Pour restaurer l'église de Merlande, deux moyens se présentent : le premier est de réparer la toiture, remplacer les mauvais bois de la charpente, reboucher les brèches, refaire les parties lézardées, démolir le mur qui charge l'arc-doubleau et rétablir ailleurs le clocher qui pèse aujourd'hui sur les voûtes et en compromet la solidité.
Le second moyen serait d'abattre les murs exhaussés, pour remettre l'église dans sa forme primitive. Alors la toiture serait basse et la coupole saillante. Ce dernier mode de restauration serait le plus convenable sous tous les rapports, puisqu'il rétablirait l'église telle qu'elle était d'abord. Mais il exigerait beaucoup plus de dépenses, et ce n'est que pour cette raison que M. l'architecte du département, qui nous accompagnait dans notre visite de l'église de Merlande, y a renoncé pour adopter le premier mode, plus économique et plus prompt. [...]

M. Seguy, maire de La Chapelle Gonaguet, dont la loyauté n'est pas moins grande que la bonté, et qui voulut bien nous accompagner dans notre inspection de l'église de Merlande, frappé de nos réflexions, reconnut l'importance de cette église, et se désista de la demande qu'il avait faite d'en abattre une partie.
Tout militait donc en faveur de cette église. Ainsi M. le ministre de l'intérieur a daigné la classer au nombre des monuments historiques, en accordant les fonds nécessaires pour sa restauration.
Grâce à cette bienveillance détermination, nous comptons un monument de plus, et les arts et la religion s'en applaudissent." ²


Les fonds ont bien été débloqués et le prieuré sauvé d'un effondrement certain, mais ce ne sera qu'en 1892 que le conseil municipal de La Chapelle Gonaguet obtiendra le classement de l'ancien prieuré aux monuments historiques, par décret du 3 août 1892.
Et c'est donc au milieu du XIXème siècle qu'a été démoli le clocher qui dominait la voûte en coupole.




VISITE DES COMBLES

Au-dessus du sanctuaire

Au-dessus de la voûte d'entrée

Au-dessus de la voûte en coupole
On remarque, au faîte, le tronc creux par lequel passait la corde de la cloche.

Vue plongeante sur le chœur, à travers ce tronc.






"Merlande est une des églises les plus remarquables du Périgord. Tous les caractères de l'époque où elle a été construite semblent dessinés sur chaque pierre. Le chœur en est petit comparativement à la nef. Cette église est sans collatéraux ; elle n'est décorée par aucune chapelle, et sa forme n'est pas une croix latine. Elle a tout l'aspect des temples primitifs. On ne la dirait point érigée dans le XIIème siècle. Sa physionomie est dure, sévère : en elle règne absolument l'ancien style roman avec son étonnante lourdeur. Malgré que l'ogive se montre dans quelques parties de ce monument, et qu'à cette époque ce genre d'agriculture fût déjà assez communément employé, cependant elle n'a influé en rien sur l'ensemble de l'édifice. Les colonnes sont ornées de filets ; mais elles sont courtes et sans grâce. Les chapiteaux sont couverts d'ornements contournés, riches, mais manquant de cette élégance, de cette légèreté qui distinguent les ordres antiques ou les chef-d'œuvre de la renaissance." ¹

La chapelle est ouverte tous les jours à la visite et à la prière.
Pour des raisons de sécurité, ni les combles, ni la crypte ne se visitent ; ni bien sûr, le logis des prieurs, propriété privée.



¹ Annales agricoles et littéraire de la Dordogne - 1846 - par l'abbé AUDIERNE
² Annales agricoles et littéraire de la Dordogne - 1847 - par l'abbé AUDIERNE
    
(rapport d'inspection de l'église de Merlande en vue du classement aux Monuments Historiques et de sa réfection)

³ Notice historique et descriptive de 1874 - Société Historique et Archéologique du Périgord - tome 1 - 3ème livre
4 M. Paul RIBOULET, artisan-maître ébéniste qui a connu Merlande depuis 1918, dans une lettre au Maire de la Chapelle Gonaguet datée de 1987...




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