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Il est un lieu,
à mille lieues du vaniteux tumulte.
On dit qu'en ce lieu,
les pires mécréants vont se recueillir
et douter de leur incroyance.
Nom de diu qu'es lo silenci de la peira que te parla !

Joan Pau VERDIER



Visite virtuelle du prieuré, de la crypte jusqu'aux combles, en passant par la salle des gardes,
visite commentée à partir de textes d'archives du XIXème siècle.


portée de couleuvrine de Chancelade, le prieuré de Merlande se muse au milieu des taillis et des bois. Son histoire rejoint celle de l'abbaye-mère, l'abbaye de Chancelade : même combe perdue et silencieuse, même paix de la sylve qui l'environne, même clapotis de la source proche qui coule à travers le sinople des prairies.

Au reste, le lieu était déjà connu : il y avait longtemps que les voyageurs qui empruntaient la voie romaine PÉRIGUEUX-SAINTES connaissaient la fraîcheur de la fontaine.

Depuis vingt ans, Chancelade priait dans la vallée voisine lorsqu'en 1142, le successeur de Guillaume de NANCLARS, Geoffroy de CAUZE, Évêque de Périgueux de 1130 à 1144, lui unit le lieu de "MERLANDIA" avec toutes ses appartenances, où Élie AUDOIN, second abbé de Chancelade, fit bâtir une église en 1143.
Elle fut établie sur une source jaillissant du sous-sol et dont les eaux claires alimentent un petit ruisselet qui s'enfuit dans le vallon pour rejoindre la source du "Got". Il est remarquable qu'elle ne tarit point, même par forte sécheresse !

Il y aurait eu un autre édifice à "Landia" ( "les Landes" ) où l'Évêque GAUFREDUS, de son nom latin, aurait chanté la première messe et béni un cimetière.
C'est de cette époque que date la première chapelle du prieuré, choeur du sanctuaire actuel, dédiée à Saint Jean-Baptiste.
De cette époque également, datent les premières constructions régulières, vraisemblablement rudimentaires.

Sceau de la Vierge à l'Enfant
Étienne d'AURIAC, 7ème abbé de Chancelade (1222 - 1232)
"sigillum abbatis sanctae mariae cancellatae"
sceau de l'abbé de Sainte Marie de Chancelade

rente ans plus tard, on adjoignait à l'église deux travées à coupole. Celle de l'ouest fut presqu'immédiatement démolie, sans doute en 1172, lors de l'invasion anglaise, lorsqu'Henri II d'Angleterre et son fils Richard Cœur-de-Lion assiégèrent le Puy-Saint-Front et saccagèrent les alentours.
Les moines revenus, la reconstruction eut lieu, hâtive, et l'on jeta sur la travée de l'ouest, une voûte en berceau brisé.

MERLANDE continua à partager la bonne et la mauvaise fortune de Chancelade, les temps de calme et les temps d'inquiétude... Nous avons fort peu de renseignements sur la vie du prieuré à cette époque. Seuls, quelques documents ont échappé à l'incendie révolutionnaire ; incomplète même est la liste des registres, "baptistères, espouzailles et sépultures" de la paroisse.

e n'est qu'en 1527 que le prieur Jean FABRI fit construire les trois autels, le "pavé" et la poutre de gloire qui ornait la porte d'entrée du sanctuaire, chapelle originelle.
Des trois autels, un seul subsiste : celui du sanctuaire. Nous savons des deux autres que les pierres sacrées, fort anciennes, étaient appuyées aux murs qui encadrent l'arc triomphal.

Le pavé a été bien des fois remanié , à l'occasion de travaux, sépultures, vandalisme... Seule est reconnaissable la dalle de pierre qui recouvre le tombeau des prieurs, sous la coupole, à mi-chemin entre le porche et l'autel : 13 prieurs y reposent en attendant la résurrection finale...
La poutre de gloire est conservée au musée du Périgord où l'on peut admirer la beauté et le fini de son travail.

ais trente ans plus tard, l'invasion calviniste, qui avait ruiné Chancelade, vint porter le fer et le feu à Merlande. Le prieuré est en partie détruit et saccagé à nouveau ; à nouveau les moines reviennent et se remettent à l'ouvrage : ils fortifient le monastère, l'entourent de fossés, bâtissent la tour au nord du prieuré, restaurent le cloître au sud de l'église, ouvrent des meurtrières au-dessus du chevet...
Ils entourent aussi de murs et de fortifications le cimetière du prieuré, à un jet de pierre, sur le tertre nord-ouest.




uis vint le XVIIème siècle.
À Merlande, la vie continue à couler, tranquille et priante ;
Le prieuré a reçu la visite et la réforme d'Alain de SOLMINIHAC ;
Raymond et Jean MARTIN sont prieurs de 1639 à 1657 ; ce seront aussi les propriétaires, dans la seconde moitié du siècle, du domaine des Landes ; d'ailleurs, le noble Jean MARTIN n'est-il pas avocat du roy au siège de Périgueux ? ...
La visite canonique ordonnée en 1688 par Mgr LE BOUX, Évêque de Périgueux, constate que "Léonard ROCHE, religieux de Chancelade, est prieur et curé ; que tout est bien n'y a pourtant des scindicqs et le cimetière n'est fermé".

(voir quelques anecdotes concernant les prieurs de Merlande)

u début du XVIIIème siècle, MERLANDE est une petite bourgade de 38 feux, "la plupart métayers ou bordiers des bourgeois de la ville de Périgueux". Elle renferme maisons, halle ( transportée, depuis, à la Chapelle Gonaguet ).
Quelques familles prennent de l'importance ; il y a ainsi un chirurgien et un procureur d'office.

La vie est calme.

Y aurait-il eu un premier cimetière extérieur contre le mur sud, accessible par une porte située à droite de l'entrée, encore appelée "porte des morts" ? Rien n'est moins sûr. C'est en 1347 que le pape a interdit ce type de cimetière. Le cimetière du haut date-t-il de cette époque ? Nous n'en saurons sûrement jamais rien...
Ce que l'on sait, par contre, c'est que Merlande a possédé trois lieux distincts de sépultures.
Après l'ordonnance royale de 1778 qui supprime les sépultures dans les églises paroissiales, laïcs et religieux de Merlande sont enterrés au cimetière supérieur, dans les "bierres ou vases de pierre".
Le cimetière des pauvres avait été abandonné vers le milieu du siècle ; seul, le cimetière supérieur va continuer à servir.

Le prieur Joseph COMBES, prieur de 1751 [ou 54] à 1780, vit l'époque où Merlande eut le plus de naissances et de décès. Il y eut, en effet, entre 1761 et 1770, 71 naissances et 81décès ! Mais "seulement" 13 mariages... Toutes les autres périodes décennales offrent des chiffres très inférieurs...
Le 4 mars 1780, Joseph COMBES, "docteur en théologie, prieur curé et seigneur haut justicier" du prieuré est enterré au cimetière "les pieds tournés vers l'Église".

Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, le prieuré de Merlande aura été la propriété de la communauté des chanoines réguliers de Saint-Augustin.

1790-1792. La Révolution n'épargne pas le vallon tranquille.
Le prieur Léon de LEYMARIE, qui avait été nommé Maire de la commune des Andrivaux-Merlande en novembre 1789, vient, en ce 21 juillet 1792, de signer son dernier acte de baptême (
baptême de Antoine BOURLAND du village de la Genebrière ) ; il grimpe au clocher où son "portraict" sourit dans la salle haute ; les sans-culottes sont là, devant les murs, avec fourches et bâtons...
Où fuir ?
Le prieur laissera coule, scapulaire et vie dans l'eau bourbeuse des fossés, près de la tour d'angle.
Tout est pillé, détruit, des communs et des bâtiments claustraux ; les biens sont vendus à la criée et le silence s'étend sur l'église qu'un dernier reste de foi a heureusement épargnée...
Si les biens du prieuré de Merlande, ou tout au moins ce qu'il en restait, ont été vendus au titre des biens nationaux, personne ne s'est trouvé alors acquéreur de l'église, du presbytère et de son jardin...

Jusqu'en 1789, Merlande est une commune.
En 1789, elle est rattachée aux Andrivaux. Le dernier Maire de Merlande, Alexandre Jean DANGLARD, habitait à "Frateau".
En 1809, la commune d'Andrivaux-Merlande est supprimée. Andrivaux est rattaché à Chancelade et Merlande à La Chapelle Gonaguet.
(voir document)

Le 3 vendémiaire de l'an IX (1801), la commune de Merlande comptait 139 habitants dont 13 à "Envaure", 14 à "Claveloux", un des plus importants villages de la commune, disparu aujourd'hui, et qui se situait non loin de "Maisonneuve". Le chef-lieu, quant à lui, ne comptait que 13 personnes.

ébut du XIXème. L'église menace ruine et le Conseil Municipal de La Chapelle décide...sa démolition ! ... que l'intervention de l'abbé AUDIERNE parvient cependant à éviter.
Toutefois on détruit la tour du clocher et on abaisse la toiture. La cloche est transportée au-dessus de la première travée et l'église est désaffectée.
Seul, une fois l'an, un curé voisin vient bénir les troupeaux, le jour de la Saint-Roch, et Monseigneur DELAMAIRE, qui visite en 1902 le prieuré, admire "les scènes et figures effacées des tableaux appendus aux murailles". Il rêve de restaurer l'église, dédiée à Notre Dame des Arts...

En 1892, le Conseil Municipal de La Chapelle Gonaguet demande et obtient le classement de l'ancien prieuré de Merlande aux Monuments Historiques, par décret du 3 août 1892.

En 1907, sur la demande du Maire, René MARCHADIER, et suite à une lettre de M. le Marquis de FAYOLLE, délégué aux Monuments Historiques et conservateur du Musée du Périgord, le Conseil autorise le transport du baldaquin de l'église de Merlande au Musée départemental et ce, afin de sauver une des inscriptions les plus intéressantes des églises de Dordogne.

délabrement intérieur...
d'après des photos publiées dans
"Le Périgord des églises et des chapelles oubliées"
de Pierre POMMARÈDE aux éditions PILOTE 24

le sanctuaire
    

fond du chœur, côté sud

La paroisse, depuis lors, se dépeuple ; les maisons des villages s'effondrent...

Cependant, en août 1924, la commune fait construire un lavoir pour la somme de 2664F.

en 1914...

en 1930...
    

la fin du XIXème ou au début du XXème, un certain Mauraud, probablement un architecte, épris à l'évidence du lieu, établit 6 plans aquarellés de l'église de Merlande, plans conservés aux Archives Départementales de Périgueux :

 
 
 

n 1884, une femme écrivain étonnante, que l'on retrouvera épouse d'un bourgeois périgourdin, Paul Adrien Numa EIMERY (dont le père, Rosane EIMERY, avait acquis l'abbaye de Chancelade) cette femme, Georgina de Peyrebrune Judicis de son nom de naissance (1841-1917), qui vécut aux Meulières à Chancelade, à qui l'on doit une bonne trentaine de romans et qui connut une certaine célébrité en son temps, publia, sous le nom de Georges de Peyrebrune un certain nombre d'articles littéraires dont la revue POLITIQUE ET LITTÉRAIRE se fit l'écho...
Parmi ces nouvelles et romans, l'un sera un conte dont Merlande fut le décor. L'auteur y croque une manière de vivre d'autrefois et quelques Gonaguetois d'époque...
Lisez plutôt cette pièce vivante d'antan, pan d'un voile levé sur un autrefois disparu...
C'était chez nous, il y a quelque 120 ans...
Lou flutaïré

          Titre exact: Lou Flutaïré conte rustique
publié dans L'Écho de la Dordogne du 16 et 27 septembre 1884
et paraissant aussi dans La Revue Politique et Littéraire / Revue bleue 3° série T. VIII 1884


l fallut attendre 1945 pour que les Monuments Historiques rendent sa beauté originelle à la nef de trois travées précédée d'un chœur rectangulaire. On sait que Michel MARCHIVE des Reyssoux (voir maçons d'autrefois) ou encore Gaby KERVIEL de Porchère (voir Porchère d'antan) y ont travaillé... Et il nous souvient de ce dimanche ensoleillé de 1953, où une longue cohorte de clercs s'acheminait en procession vers la vieille église : les ombres des moines de Merlande, après cent cinquante ans, retrouvaient leur prieuré...

Tandis qu'à l'ombre de la bâtisse restaurée, la ruine d'un logis oublié abritait encore, dans les années 50, un certain M. THIBURCE qui logeait dans la tour...ou dans ce qu'il en restait, avant d'aller habiter au Fuselier...

Et ce n'est qu'en 1962 que le logis du prieur, est relevé de ses ruines par deux jeunes femmes parisiennes qui eurent, pour ce lieu, le" coup de foudre". Une tour sera relevée, quant à elle, quelques années plus tard, lors d'une seconde tranche de travaux. Une seconde tour ne sera jamais rebâtie...
Accolée au sud de l'église, une ruine qui fit autrefois office de sacristie, de cellier et de prison, a été relevée en 1996 et a mis un point d'orgue à la restauration du prieuré.
Du cloître, si toutefois il y en eut un, rien ne subsiste, sinon des naissances d'arcs en relief, des maçonneries et un arc coupé en deux, dans sa verticalité...

Ces logis et ces restes de cloître ne sont pas ouverts à la visite.

À une portée de flèche du prieuré, de l'autre côté de la route, se dresse une ancienne maison dîmière, avec de belles fenêtres à meneaux. Elle constitue aussi un espace privé qui ne se visite pas.

Si, du mobilier ancien de l'église, on ne retrouve qu'une cuve baptismale romane, on n'oubliera pas de redécouvrir les cinq voussures brisées du portail et la chambre de défense hérissée de mâchicoulis.
Sans oublier le baldaquin sculpté et découpé et la poutre de gloire enrichie de fleurons et ornée de dix pots à feu qui se trouvent au musée du Périgord.

Ceux qui le souhaitent retrouveront surtout, si proche de Périgueux, mais dans une solitude sylvestre, un site unique où la mémoire et les prières se conjuguent au passé et au présent...


d'après des textes de Jean SECRET et Pierre POMMARÈDE
extraits de "l'Abbaye de Chancelade et le prieuré de Merlande"
édition du S. I. Périgueux


On ne peut que déplorer, cependant, l'accès strictement limité à l'intérieur de l'église. Les visiteurs avides de connaissances du passé ne peuvent pas se faire, dans ces conditions, une opinion exacte sur le prieuré.




À PROPOS DES CHAPITEAUX...

         On notera que les scuptures des chapiteaux commencent au passage de la porte de gloire. Deux piliers, en effets, encadrent cette porte en plein-cintre, représentant des lions semblant s'entre-dévorer... Cependant, si la denture est acérée, les "mordant" semblent sourire ! Ce qui laisse à penser qu'il ne s'agit pas férocité...
         Il est aussi remarquable que les corps de ces lions soient en torsion, tronc et tête à l'opposé ! À coup sûr, ce n'est pas une erreur de l'artiste, mais un message, appelant peut-être à la conversion, le pêcheur qui franchit le seuil vers le chœur... Lequel pêcheur doit s'élever de 3 niveaux : 3 marches, en effet, forment le dénivelé entre le sol de la chapelle et l'autel.
         Le chœur est encadré de 12 piliers ornés de chapiteaux sculptés représentant lions, griffons ou végétation "coulant" parfois de la bouche des animaux. 12, comme les 12 disciples du Christ rassemblés pour la Cène... J'ai dit 12 ? Comptez bien: il n'y en a que 11, un pilier ayant été, fort maladroitement à mon avis, remplacé par une ouverture assez grande et qui "fait tache" dans cet ensemble symbolique. Peut-être a-t-on trouvé qu'il y faisait trop sombre ou trop humide ?...
         Il restera à méditer longuement sur cette architecture afin d'en saisir intérieurement le sens évangélique... Un jour prochain, peut-être, trouverez-vous ici le fruit de méditations partagées...



GALERIE (chapiteaux, et autres vues...)


Depuis le 31 mai 2007,
la Présence Réelle
demeure dans un petit tabernacle, sur l'autel...





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